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LE BACHELIER GÉANT.

éclair ! C’est trop déjà ! et Dieu me demandera compte de cette seconde dans l’éternité ; mais je n’ai tué personne, et celui qui devait mourir est toujours vivant ; vous le savez bien ? me dit le géant qui me regarda.

— Le paillasse qui ce matin ?…

— Et qui donc voulez-vous que ce soit ? » répondit le géant presque avec colère.

Il continua :

« Après avoir fait la perche, je fis les poids.

Tout le monde peut, avec de l’exercice et bien enseigné, s’amuser d’un poids de quarante, et il n’est guère de saltimbanque qui n’ait été un peu hercule à l’occasion ; il faut toucher à tout dans le métier.

Pour moi, c’était chose peu dure, et si je souffrais quelquefois, ce n’était pas des bleus que me faisait le fer en retombant sur mes épaules, mais de la honte qui m’étouffait, quand le souvenir de jadis revenait !

Un jour, dans la foule, je vis une femme qui ressemblait à ma mère ; le poids que j’enlevais m’échappa du doigt, et, décrivant un cercle, alla, dans le bras d’une femme briser la tête d’un enfant !

Pauvre femme ! elle ne poussa point un cri, mais elle s’affaissa, muette et blanche comme la cire.

Moi, je voulais me tuer ! — Allons donc ! si j’avais eu ce courage-là, je l’aurais fait depuis longtemps : j’étais trop lâche !

Peut-être aussi le nom de Violette, dit par Rosita, Violette, notre petite fille, que gardait la sœur de