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LE BACHELIER GÉANT.

vait-elle pas, d’ailleurs, venir avec moi ? Il s’agissait de mater la bête.

Je m’avançai, et saisissant le lion par les deux oreilles, je relevai sa grosse tête et la secouai dans mes mains ; il poussa un sourd grognement, essaya de se retourner, je tins bon. S’il eût fait effort, il n’avait qu’à tourner son cou et j’allais m’aplatir, brisé contre les barreaux ! il n’essaya point ; je le lâchai et j’attendis ; il tourna triste sur lui-même, et s’allongea comme un sphinx ; je le forçai à se relever et à marcher autour de moi, il obéit.

Roi déchu, il lui fallait le soleil de l’Afrique et le vent du désert pour qu’il eût soif de sang humain !

Je le regardai presque avec pitié, et sans émotion je fis signe à Rosita d’entrer.

Elle entra et ferma la porte.

« Il nous mangera tous les deux, le Grand, » dit-elle tout bas, en mettant dans ma main sa main que, le matin même, entre deux portes, j’avais vue s’égarer, brûlante, dans la perruque de Bêtinet.

Mais le lion, au lieu de se jeter sur nous, la flaira et frotta sa crinière contre sa jupe ; dehors, on baissa les fourches ; la connaissance était faite maintenant.

Nous sortîmes de la cage du lion pour entrer dans celles du tigre, des hyènes, de l’ours, des loups.

Trois semaines après, on annonça notre début sous ce titre : Les Martyrs chrétiens.

Vêtus, elle en vierge romaine, moi en Polyeucte