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L’HABIT VERT.

À sept heures les bouquets vinrent.

Rodolphe, sans insister bien fort et avec une galanterie presque délicate, offrit à mademoiselle Caroline le panier plein de fleurs, en la priant de choisir. Elle ne pouvait refuser, mais elle accepta le moins possible et se contenta d’une touffe de roses. Rodolphe la remercia simplement.

Il cria beaucoup moins ce jour-là, et sa soirée se passa à ridiculiser sa comique enveloppe. Il le fit avec humour, mais non sans mélancolie, trouva des mots doux et drôles pour ces bonnes femmes de mères, qui vous croient beau comme un gentleman quand vous êtes fagoté comme un singe savant, mais qu’on n’en aime pas moins pour cela. Un peu parce qu’on redoutait ce rieur terrible, un peu parce qu’il plaisait, tout en paraissant indifférent et personnel, il prit place dans l’imagination des gens ; en deux soirs, il avait réussi à irriter et à préoccuper : c’était le pied dans la maison. Impopulaire ou populaire, il comptait, il était en ligne. C’était tout ce qu’il voulait.

Guesdon, qui s’était tenu sur la défensive, n’avait pas été provoqué. Il s’était retiré de bonne heure, pour affecter de l’indifférence, ou parce qu’il avait vraiment à faire. Rodolphe n’avait pas abusé de son absence plus d’une seconde — le temps d’arracher au bouquet de Caroline, et de façon à être vu d’elle, une rose dont il avait bu le parfum avec ses lèvres, sous ses yeux, et en soulignant d’un regard sa discrète mais très expressive caresse.