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Page:Vallès - Les Réfractaires - 1881.djvu/64

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LES IRRÉGULIERS DE PARIS.

ver quand le soleil parut à l’horizon. J’étais étendu au milieu d’un pont, à une lieue au moins de mon domicile de hasard ; une voiture n’avait qu’à passer, j’étais broyé.

Une fois au lit, tout n’était pas dit. Ici, comme rue des Grès, je devais me lever au moins tous les trois quarts d’heure et sauter un bon quart d’heure pour réchauffer mes pieds. Dans ces entr’actes de circonstance, je me tournais comme les mages vers l’orient pour voir si les premières lueurs du jour ne blanchissaient pas l’horizon.

Quelle joie quand montait au ciel l’étoile du matin ! Elle devançait d’une heure le lever du soleil. Mais comme je regagnais tristement le pied de mon arbre, quand elle ne s’était pas encore montrée ! On était en hiver et les nuits sont longues, par le froid, sous l’orme !

Enfin j’attendais qu’il sonnât cinq heures, et je descendais sur Paris. Je prenais du pain en passant dans les boulangeries, quand j’avais un peu d’argent, et j’allais me restaurer d’une omelette dans une crémerie située au coin de la rue du Four, crémerie ouverte de grand matin sur le passage des maraîchers qui vont aux halles ; ou bien je me réfugiais dans l’église chaude de Saint-Sulpice. Avec quelle joie j’entendais sonner l’Angelus qui devait m’en ouvrir les portes !