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D’ONDINE VALMORE 113


A MA COMPAGNE D’ÉTUDE
A BATH. GAST (’)


Hier nous étions soeurs. L’une à l’autre enlacée,
Nous écoutions l’étude et nous mêlions nos voix.
Toujours en feuilletant la sagesse passée,
Le même sentiment nous parlait à la fois.
Ce qui me touchait l’âme entrait dans ta mémoire,
Plus facile; et souvent au récit des douleurs,
Qui souvent, dit le livre, ont suivi l’humble gloire,
A mes yeux humectés je devinais tes pleurs.
C’était un doux accord, une harmonie heureuse
Qui, dans un même élan, nous poussaient toutes deux.
Seule pour avancer, j’aurais été peureuse,
Toi triste, mais ensemble, alors qu’on ouvre aux cieux
Un coeur libre et tranquille, a-t-on peur de la terre !
Mes espoirs, mes regrets écoulés sous tes yeux
S’imprégnaient d’amitié. Tendre et double mystère
Dans lequel tout mon coeur à ton coeur se confond.
Toi, c’était nous ! J’aurais voulu toute ma vie
Reposer à ton ombre et, dans un seul rayon,
Voir le jour avec toi. Ce n’est plus ton envie.
Non ! n’est-ce pas ! Ta tête a dépassé mon front.
Tu te sens la plus grande !... O coupable chimère !
Tu ne le savais pas quand tu m’aimais. Eh ! quoi !
Dieu mit-il dans ton coeur une flamme éphémère
Pour que le mien battît dans un jaloux effroi ?
Un seul jour te suffit pour briser notre chaîne,
Mais c’est oser beaucoup qu’oser faire souffrir.
Crois-moi, vers le remords tout chemin nous ramène,
Et d’amitié perdue on en a vu mourir.

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Cah. X, p 85. (’) A BATHILDE, juin 1838; A UNE AMIE, septembre 1838; A BATHILDE, novembre 1845.