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AUVERGNE
LE PUY DE DOME ET LES VOLCANS


Dans les âges lointains, mystérieux et sombres,
Tout remplis de clartés fulgurantes et d’ombres
Où notre œil effrayé se perd,

Dans ces temps oubliés qui sans cesse reculent,
Sur lesquels, entassés, les siècles s’accumulent,
Où tout semble morne et désert ;

Un grand lac, dont on voit la trace indélébile.
Recouvrait ce pays de sa nappe immobile,
Où le pied du Sancy baignait ;

Et sur ce réservoir de l’onde originelle,
Que parfois un oiseau frôlait seul de son aile,
Un vaste silence régnait.

Tout à coup l’eau parut sourdement agitée,
Et, dans le sein profond de la terre irritée,
Un bruit courut lugubrement,

Pareil aux roulements d’un tonnerre invisible,
Et le monde sentit, à ce défi terrible,
Un immense tressaillement.
 
Les feux intérieurs, emprisonnés au centre.
Semblaient se révolter pour sortir de leur antre,
Au souffle d’un fauve ouvrier.

Les montagnes tremblaient du sommet à la base,
Et le lac bouillonnait, comme l’eau d’un grand vase
Au-dessus d’un ardent brasier.

Le sol lutta longtemps contre la flamme intense,
Echauffé, remue, fier de sa résistance
À l’assaut du gouffre tonnant ;

Puis, sous la pression des cavernes profondes,
Céda sans se briser, et soudain sur les ondes
Un cône s’éleva géant.
 
Mais après tant d’efforts, la terre enfin lassée,
Autour de la montagne en plein ciel élancée,
Entrouvrit son énorme flanc,

Et la flamme et le feu, sortant par cent fissures,
Jaillirent dans les airs, ainsi que des blessures
On voit couler des flots de sang.