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Page:Van Bever - Les Poètes du terroir, t1, Delagrave.djvu/127

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AUVERGNE

Voyez-les, pelés, tordus, — Couchés là par terre — (Troupeau que nul ne garde) ; — On dirait les os blanchis — De quelque vieille guerre. — Vous croiriez voir au premier abord — Des cadavres mêlés, — Des corps éparpillés — Au basard de la mort.

Pin, sapin, ou frêne ! — Depuis quand s’en sont allés — Ceux qui vous ont semés — El vous virent naître ?

Depuis cent ans et plus, la terre l’a nourri, — Ce bois ; aujourd’hui, il s’en va — Et, elle, le voit mourir !

On ne verra plus dans les nuages — Ces pins verts — Où perchaient les corbeaux — Aux soirs des hivers !

Ils ne viendront plus de longtemps — Ces couples qui s’aimaient — Lorsque les étoiles s’allumaient — La nuit au firmament…

Vous souvenez-vous, dites, — Maintenant quand le vent — Fait s’agiter les épis — De ce champs de froment, qu’était là une garnasse[1] — Mêlée de genêts, — Où chaque pauvre ramasse — Le bois mort, les babiaux[2] ?



Jas lous, pélos, toursis,
Eivènlos ti per tiarro
(Tropé que dongu paro),
Dirias l’eus èiblanchis
De quaueo vèlho diarro.
Crèirias vèire d’abouor
De cadabris miclos,
De cors éichampelos
En l’asar de la mouort.

Garno, sap on be fraisse !
Dipus quand s’en soun nos
Quous que vou’an semenos
E vous veguèron naisse ?

Dipus cent ans è mai,
La tiarro l’a nurri
Quo bèu ; anu, s’en vài,
E lio, lou ve mouri !

Véiron pus dièns las niolas
Aquous pinatés vars
Ount cuchavon las grolas
Au scro de l’èivar !

Vendron pus de lountems
Quous pares que s’amavon
Quand l’èitialas se tiavon
De nul au fiermamén !
Vous seventès vous, dijas,
A ouro quand le vèn
Fài démena l’éipijas
D’aquéu champ de froumèn,

Qu’èro ti no garnasso
Miclado èm de janiàu,
Ount chaque pàure masso
Lou beù mouort, lous babiàu ?

  1. Bois de pin.
  2. Cônes de pin.