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LES POÈTES DU TERROIR

Et moi, distrait à ma fenêtre,
Je regarde et n’ose parler.
À quoi je pense ? À rien peut-être.
Je regarde les vaches paître
Et la rivière s’écouler.


EN BRESSE


À Léon Valade.


Il soufflait, cette nuit, un grand vent de jeunesse.
Ah ! bonsoir aux soucis maintenant ! Notre Bresse
A mis à son corsage une fleur de pêcher.
La vieille fée en Saône a jeté sa béquille,
Et rit à pleine voix comme une jeune fille.
Hourra ! l’amour au bois, l’amour va se cacher !

Et me voilà parti. Gai comme l’alouette,
Je m’en vais, fredonnant quelque vieille ariette.
Devant moi tout est calme, immobile et charmant.
C’est mai, le ciel joyeux rit au travers des branches.
Sous les buissons en fleur l’eau court, et toutes blanches,
Les fermes au soleil se réchauffent gaîment.

Voici la mare verte où vont boire les canes,
L’enclos ensoleillé, plein de vaches bressanes,
D’où l’on voit devant soi les merles s’envoler ;
Ici les peupliers ébranchés ; là des saules,
Trapus, noueux, courbant leurs solides épaules,
Comme de vieux lurons que l’âge fait trembler.

Plus loin c’est la maison des Frères, et l’église,
Avec son coq gaulois et sa toiture grise ;
Puis, l’auberge enfumée : Au grand saint Nicolas.
L’enseigne pend au mur où bourdonnent les ruches.
La nappe est mise. Holà ! qu’on apporte les cruches,
Nous boirons au bétail à l’ombre des lilas.

(Émaux bressans.)