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LES POÈTES DU TERROIR
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S’égaraient sur le sable à travers les maillets, Et les bancs recourbés et verts d’ovi l’on voyait Dans la grand’rue, au soir lumineux qui s’estompe, Le berger communal qui soufflait dans sa trompe, Ramenant les moutons aux gîtes familiers. J’ai retrouvé pareils la grange et l’atelier Où flottaient, vers les murs pleins de chinoiseries, Les brouillards du tabac voilant les causeries. Rien nest changé sous cet aimable et tendre toit, Ni les repas joyeux de chasseurs franc-comtois, Ni la buanderie et ses noires poutrelles, La pelouse où l’on ramassait des sauterelles, Le coin du poulailler où des moineaux volaient, Ni sur les acacias le cri des tiercelets. Dans la nuit douce et bleue où sentent bon les prunes. J’ai revu le jardin assoupi sous la lune, Où, le long des gazons tout moites de vapeurs, On éprouvait la peur secrète d’avoir peur : J’ai rêvé aux lueurs errantes des lanternes, Au feu noir éclairant le groupe qui le cerne, Lorsqu’on allait, sombre cortège, ravager Au soir tombant les nids de guêpes au verger. J’ai retrouvé surtout le vieux moulin de pierre Par delà le coteau que mangent les bruyères. Le vétusté moulin des moines d’autrefois. Effondré dans la brume et perdu dans les bois. Et le même vieillard ramassait des ételles Dans le taillis ourlant le pré de ses dentelles. Et sur le bord pierreux de ce petit ruisseau Où nous faisions tourner des aubes de sureau. Le soir lent descendait : les molles lavandières fcj élevaient lourdement du bas de la clairière, Et dans l’ombre semblaient les âmes du passé Visitant le sommeil du moulin délaissé, Pareil au cœur troublé de tant de survivances Qu’envahit l’essaim blanc des souvenirs d’enfance. [Les Sentiers du Paradis.)