Salut, noble envoyé des forêts éternelles,
Toi qui viens nous porter les parfums du pays,
Baisers discrets et purs, caresses maternelles
De l’Alsace enchaînée à ses enfants bannis !
Nous savons quelle main pieuse et vénérée
A voulu t’arracher, là-bas, de tes hauts lieux,
Pour nous montrer un peu de la terre sacrée
Où loin de nous, hélas ! dorment tous nos aïeux !
D’où viens-tu ? Dis-le-nous ! Sur quelque roc sauvage,
Au bord des noirs ravins, étendant tes longs bras,
Vivais-tu près des burgs du sombre moyen âge,
Qu’en un jour de courroux le peuple mit à bas ?
As-tu vu Géroldseck, l’évêque, avec ses reîtres,
Sur Strasbourg révolté marcher pressant les rangs ?
Ah ! dis-nous donc alors comment nos fiers ancêtres
Ont fait, à Hausbergen, pour broyer les tyrans !
Viendrais-tu du Donon, dont la tête si fière
S’élève dénudée au-dessus des grands bois ?
Etais-tu le voisin des vieux témoins de pierre
Qui disent en passant que nous sommes Gaulois ?
Quand la France sortit de la grande fournaise,
Rayonnante, nouveau phénix ressuscité,
As-tu senti passer la jeune Marseillaise,
Prenant son premier vol vers l’immortalité ?
N’as-tu pas admiré, dans ces temps héroïques,
Rués vers la Lauter que menaçaient les rois,
Terribles, demi-nus, nos paysans épiques
Qui rendirent la Force esclave de leurs Droits ?
Mais non ! reste muet… Notre moderne Histoire
Rougirait au récit de ces faits inouïs…
Laissons, laissons dormir, dans leur linceul de gloire.
Les héros blancs et purs des jours évanouis !…
- ↑ Stances dits à la fête nationale de l’Arbre de Noël, donnée par l’Association générale d’Alsace-Lorraine, le 23 déc. 1872.