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BRETAGNE

CHANSON BRETONNE


Sur la pierre où l’on rêve assis devant sa porte,
Le soir quand on est las et que le ciel est clair,
Pâle du désespoir qui vers la mort m’emporte,
Je suis monté debout pour regarder la mer.

Alors j’ai vu très loin, comme en un songe vague,
Ma fiancée au pied d’un mât, sur le bateau,
Et je criai son nom dans la brise, et la vague
Me l’approcha trois fois jusque sous le coteau.

Mais — ô le jeu cruel et l’affreuse journée ! —
Le reflux pour jamais rendit à l’horizon
La barque dans le temps d’un clin d’oeil entraînée,
Et j’ai cru que j’allais en perdre la raison.

Depuis, dans ma douleur saignante et ma misère,
Je vis seul, et parfois on peut me rencontrer
Sous le ciel que le vent déchiquette et lacère,
Mais je ne voudrais point que l’on me vit pleurer !