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Il est vrai que le ministre des Colonies a protesté contre ce reproche : « Je ne l’attache nullement — a-t-il dit —. S’il demande un passeport, on le lui donnera, sauf circonstances exceptionnelles. » Mais il faudra voir, à l’expérience, ce que l’administration entendra par circonstances exceptionnelles, et si le décret de 1910 n’aura pas, en définitive, pour résultat de consolider l’esclavage domestique, par le fait que les esclaves n’obtiendront pas toujours le passeport indispensable pour se soustraire à l’autorité de leurs maîtres.

En somme, nous est avis que les décrets de M. Renkin vaudront ce que vaudra leur application.

Ils ne font pas mal sur le papier et apportent, aux partisans des réformes, des satisfactions nombreuses et importantes : la liberté commerciale est proclamée ; les indigènes pourront récolter librement les produits végétaux du sol ; l’impôt en travail aura complètement disparu le 1er juillet 1912 ; les coutumes indigènes, si les décrets ne restent pas lettre morte, seront désormais respectées.

Malheureusement, rien n’est changé à l’ancienne conception domaniale, et, dans le décret même qui consacre le droit de cueillette des habitants, l’État se réserve de le limiter, de le supprimer, d’aliéner les emplacements où il s’exerce, de maintenir ou d’étendre le régime des concessions.

D’autre part, le travail forcé subsiste, soit pour les corvées locales, soit pour la levée des travaux publics, et, de plus, la généralisation hâtive de l’impôt en argent, même dans les territoires concédés à des compagnies, menace de soumettre les indigènes à une contrainte indirecte.

Enfin, le décret sur les chefferies trahit, d’une manière trop évidente, des préoccupations d’ordre fiscal, (qui menacent de conserver ou de faire renaître une partie des anciens abus.

Au fond, le gouvernement ne demande pas mieux que de faire des réformes, à la condition qu’elles ne coûtent rien, ou peu de chose, aux contribuables belges, et que les impôts indigènes ne subissent pas, ou ne subissent guère de diminution