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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/193

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L’Ababua ne touche pas au sol en tant que membre de sa tribu, mais comme faisant partie de l’étina. Un Moganzulu Bangbalia n’a pas droit à l’usage de la terre dans toute l’aire occupée par les Moganzulu, mais exclusivement dans les limites où sont cantonnés les Bangbalia.

Le territoire possédé en commun s’appelle ngali.

La propriété du sol entraine aussi celle de tous les produits naturels de la surface et du tréfonds.

On a dit quelquefois que le demi-civilisé n’avait que la conception de l’usage du sol et non de la propriété de la terre. Cette interprétation subjective cadre difficilement avec ces expressions entendues si souvent : « Ngali wasu kom bessu », (tout ce territoire est à nous) ; un revers subi à la guerre se traduit : « Le chef, un tel, a pris notre terre. »

Ces citations, que nous pourrions multiplier indéfiniment, suffisent, croyons-nous, à établir que ceux-là seuls peuvent nier l’existence d’un droit de propriété foncière chez les indigènes du Congo, qui ne parviennent à concevoir la propriété du sol que sous les formes consacrées par les législations européennes.

En réalité, le régime foncier qui existait au Congo avant la Constitution de l’État Indépendant et qui continue à y exister, dans la mesure où il n’a pas été brutalement détruit par la conquête blanche, c’est, à peu près, le régime qui existait chez les Germains, à l’époque de Tacite ; de même que les expropriations dont les indigènes ont été victimes de la part de l’État du Congo, se sont faites par les mêmes moyens, et, en invoquant les mêmes arguments, que la destruction des communaux au moyen âge par les usurpations des seigneurs.

Par conséquent, aujourd’hui que l’on en vient à des conceptions plus saines et plus équitables de ce que doit être la colonisation, la chose à faire, c’est de renverser la présomption créée par l’État du Congo, de supposer l’occupation au lieu de supposer la vacance des terres et d’organiser le régime foncier de manière à assurer, d’une manière complète, le respect des droits collectifs appartenant aux communautés d’habitants.