Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/224

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Mais, dira-t-on sans doute, et non sans quelque raison, la situation est bien loin d’être la même dans toutes les régions et pour tous les genres de travaux.

Si l’on peut, aujourd’hui, sans trop de peine, se procurer des ouvriers dans un pays comme le Bas Congo, où la civilisation a plus ou moins pénétré, et pour les travaux d’exploitation d’un chemin de fer, auquel les indigènes se livrent assez volontiers, les difficultés sont infiniment plus grandes dans des contrées plus sauvages et peuvent, pour certains travaux du moins, devenir des impossibilités.

À cela, l’on peut répondre, tout d’abord, avec Leroy-Beaulieu, qu’il n’est pas absolument nécessaire de mettre en valeur, immédiatement, toutes les parties du continent africain :

Quand même — dit-il[1] — il faudrait, dans certaines régions, des dizaines d’années, pour susciter, chez les noirs, plus de besoins et les habituer à un travail régulier : quand même, à la rigueur, il y faudrait un siècle, on devrait, plutôt que de recourir à un mode quelconque de travail forcé, se résigner à cette longue période. Les territoires que se sont partagés les nations européennes, notamment en Afrique, exigeront certainement plusieurs siècles pour être complètement mis en valeur. Les efforts devront se concentrer d’abord sur les districts où la population noire est assez dense, assez laborieuse, assez apte à une discipline pour fournir une main-d’œuvre à peu près régulière, et, de là, graduellement, ils gagneront des territoires moins bien pourvus sous ce rapport…

D’autre part, il n’est pas impossible d’accélérer cette pénétration, en favorisant le développement des relations commerciales entre Européens et indigènes, en répandant l’usage de la monnaie et en astreignant au paiement d’un impôt modéré en argent ceux parmi les natifs qui tirent un avantage direct des services rendus par le gouvernement colonial.

Dans ces conditions, ne fût-ce que pour payer l’impôt, les noirs seront amenés à fournir du travail aux entreprises européennes, et, si les paiements sont convenables, ils ne tar-

  1. Loc. cit., II p. 594