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au centre du continent, où j’ai pu compter, en vingt-quatre heures, vingt-sept villages brûlant ou fumant encore de l’incendie, — j’ai dû moi-même braver les fusils chargés des mécréants. J’ai vu l’affreuse servitude où des frayeurs superstitieuses ont tenu des populations entières, au point de leur faire, par peur d’un sorcier, condamner leurs propres enfants et infliger à ces malheureux les plus horribles tourments… J’ai vu, en somme, de l’humaine nature, plus de côtés sombres que je ne désire en penser, et moins encore en écrire. Je peux donc dire que je sais, mieux que beaucoup de gens ce que signifie le gouvernement indigène. Dix ans de ce régime m’ont assez instruit pour me faire saluer, avec une indicible reconnaissance, la nouvelle que le roi Léopold de Belgique prenait sur ses épaules la charge d’administrer le territoire du Congo, charge que notre propre pays avait maintes fois refusé d’entreprendre. »


§ 2. — L’Association internationale du Congo


Peu de temps avant de monter sur le trône, Léopold II, au retour d’un voyage en Orient, avait donné au chef du cabinet d’alors (1864), Frère-Orban, une pierre provenant d’un monument d’Athènes, avec cette inscription : « Il faut à la Belgique des colonies[1]. » Rapproché des discours, sur le même sujet, prononcés au Sénat par le prince, ce fait caractéristique suffit à prouver que, dès avant le début de son règne, le futur souverain de l’État du Congo avait déjà des projets coloniaux.

Au moment même, d’ailleurs, où se réunissait à Bruxelles, en 1876, la Conférence célèbre d’où sortit l’Association internationale africaine, il faisait étudier par un de ses collaborateurs, M. Thys, la question du rachat de Manille au gouvernement espagnol, pour en faire une colonie belge.

Mais, chose curieuse, au témoignage de ceux qui furent, à

  1. Brialmont. Notice sur Émile Banning. Annuaire de l’Académie royale de Belgique, 1900, p. 97.