Page:Variétés Tome I.djvu/108

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mesme pas ; il se faisoit porter un grandissime respect, et bien souvent ceux qui tenoient le frein de la justice se tenoient très heureux d’estre à ses bonnes graces, et lui deferoient ce qui estoit de leur devoir pour tousjours s’entretenir en icelles, et en ceste manière de vivre commença à se faire hayr de plusieurs, et se mettre en mauvaise odeur du commun peuple, qui fit tant que son avarice fut portée jusques aux oreilles du roy, qui, l’ayant fait venir devant luy, sceut si bien pallier son mal à force de blandices et belles parolles, qu’il obtint son pardon, luy disant qu’il ne croyoit rien de ce qui luy avoit esté rapporté.

Le restablissement du dit duc en sa maison servist de rechef de butte aux calomnies du peuple, qui à haute voix l’accusoit de grands delits, meurtres, faussetés et sorcelleries, et dessus tout d’avoir levé de grandes daces7 sur eux, ce qui lui occasionna de se retirer de la cour, et s’en alla à Valdoric avec une frayeur de sa disgrace, à cause qu’entre plusieurs informations qu’on faisoit pour lors de quelques ministres d’estat, la sienne se trouva très meschante et digne de mort. Il fut quelque temps à Valdoric pour determiner ce qu’il devoit faire à son infortune, et en confera à une religieuse qui estoit


7. Le Sage parle de ces grandes daces (taxes) que D. Rodrigue levoit sur ceux qui demandoient sa faveur. « Il (D. Roger de Rada) avoit envie, fait-il dire à Scipion, de s’adresser à don Rodrigue de Calderon, dont on lui a vanté le pouvoir ; mais je l’en ai détourné en lui faisant entendre que ce secrétaire vendoit ses bons offices au poids de l’or, etc. » Gil Blas, chap. 7.