Page:Variétés Tome I.djvu/185

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verses façons en habitz desguisez), avec lequel ils allèrent en nombre de cinq ou six mil, à trois ou quatre lieuës de la dicte ville de Sarragoce, en intention de defendre le passage d’un pont à la dicte armée15 ; mais leur dict chef, non consentant en leurs folies, faignant les mettre en ordre pour combattre, monté sur un bon cheval, les laissa et se retira avec ceux du roy en icelle, dont estonnez, sans sçavoir à quoy se resouldre, se retirèrent en leur ville fort troublez, où ils furent suyvis de la dicte armée, laquelle, à l’intercession des gens de bien, y est entrée sans avoir trouvé aucune resistance, ni usé d’aucune violence ni extorsion. Voilà comment ce faict s’est passé, avec beaucoup d’honneur et de reputation de ce bon roy, lequel tout ensemble faict cognoistre à ses subjects sa douceur et clemence16, encores qu’il tienne en la main de quoy les chastier rigoureusement. Voilà la verité de l’histoire, que je vous prie de communiquer aux amys, et me conserver en leurs bonnes graces, comme je desire (Monsieur et frère) demeurer pour tousjours en la vostre. De Madrid, ce xxj de novembre 1591.



15. M. Mignet n’indique pas le lieu où l’armée aragonaise alla attendre l’armée castillane, commandée par Vargas. Quant à la défection de Juan de la Nuza, il la donne comme une simple retraite : « Cédant à la faiblesse de son caractère et au sentiment de son impuissance, il se retira dans un de ses châteaux. Le député du royaume don Juan de Luna, et le jurat de Saragosse, qui étoient avec lui, en firent autant. » Id., pag. 200.

16. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit toujours ici de Philippe II.