Page:Variétés Tome I.djvu/189

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gue3. Ces paroles, quoyque dites assez bas et sans dessein de les offenser, furent pourtant entendues par aucuns d’eux, qui se saisirent aussitost de luy, l’outrageant de coups de hallebardes et de fusils, lui baillèrent quelques soufflets, et le menèrent, suivant leur marche, chez ledit Amand, leur capitaine, où, après plusieurs mauvais traitements, ils le contraignirent de se mettre à genoux, et en cette posture leur demander pardon et faire amende honorable, le menaçant de le tuer à faute de le faire. Pendant que cela se passoit ainsi, plusieurs frippiers s’attroupèrent, avec leurs femmes et enfants, au devant de la maison dudit Amand, criant tous d’une voix : Il le faut tuer, parcequ’il a offensé tout nostre corps ! Ce qui obligea ledit Bourgeois d’attendre la nuit pour se retirer à la faveur d’icelle et eviter leur fureur4. Ce n’est pas là tout : leur insolence naturelle passa outre. Dès le lendemain, ils se mocquèrent de luy, et, en toutes occasions où il se rencontroit de-


3. La plupart des fripiers étoient des Juifs, ou de nouveaux convertis, toujours prêts à s’offenser quand on leur rappeloit leur ancienne religion. V. l’une des pièces de ce volume, les Grands Jours tenus à Paris par M. Muet, etc. Paris, 1622, pag. 198–199.

4. Loret raconte ainsi la première partie du drame :

On dit que messieurs les fripiers,
La plupart de vrais frelampiers,
Aucuns d’eux meschans et damnables,
Et d’autres assez raisonnables,
Traitèrent d’estrauge façon
L’autre jour un certain garçon
Qui d’un ton fort hardy et rogue
Les nommoit gens de synagogue.
Dès qu’il eut dit ce mot piquant,