Page:Variétés Tome I.djvu/195

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Alors Amand devoit, ce semble, estre rassasié de cruauté ; pourtant il fait paroistre le contraire, et qu’il veut estre jusqu’à la fin le principal acteur de ceste funeste tragedie. Pour cet effet, il veut voir luy-mesme si la compagnie est complette et en estat de marcher ; il en fait la reveuë, il renvoie les garçons qui estoient venus à la place de leurs maistres, il marche ayant le hausse-col, et va de porte en porte, le pistolet à la main, pour les obliger et forcer de venir en personne, les menaçans de l’amende. Cependant les bourgeois des quartiers circonvoisins et autres passans par là, entendans le bruit de ce tambour à une heure extraordinaire, estoient portez de curiosité de sçavoir le sujet de ceste assemblée, et pourquoy on retenoit et traittoit ainsi ce jeune homme. Les uns respondoient : C’est un coquin qui nous a appelez Synagogue ; il a affaire à huit cens hommes qui l’entreprennent ; d’autres que c’est un voleur qu’ils ont pris volant une maison en leur quartier, et d’autres que c’estoit un mazarin qui avoit voulu tuer M. de Beaufort.

Amand, ayant mis sous les armes environ quatre-vingts hommes de sa compagnie, se jugea assez fort


Ils m’ont mené, me malmenant,
Du capitaine au lieutenant,
Et maintenant on me ramène
Du lieutenant au capitaine ;
Ils m’ont fait mainte indignité,
Moqué, tiraillé, souffleté.
Bref, la nation judaïque
Ne fut guère plus tyrannique
Quand elle tourmenta jadis

Le createur du Paradis. »