Page:Variétés Tome I.djvu/203

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amandes ? Et neantmoins c’est tousjours à recommencer. J’espère bien, avant que de partir de ce monde, d’y mettre tel ordre par mes jugemens, qui leur en souviendra. Je viens tenir mes grands jours pour cet effet.

J’ay choisy pour mon greffier un homme assez sage et discret, quoy qu’il soit camus et impotant des deux mambres. Ce que j’en ay faict est affin qu’il tienne pied à boulle, et que sans discontinuation il redige par escrit mes jugemens, pour estre executez par Tanchon, qui à présent n’a nul empeschement, puisque sa femme est mariée ailleurs.

Et vous, l’huissier Cornet, qui autrefois avez eu tant de vogue à la justice de saint Ladre, et qui avez esté, par miracle ou autrement, trente-deux ans sans changer d’habit ny de chapeau, qui sert encores à présent à Pierre Parru, cordonnier de la grosse pantoufle de saint Crespin, je vous ay choisi pour appeler les causes et faire taire les babillards, pour lesquelles appeler vous n’aurez qu’un sol de la douzaine, veu le grand nombre qui se presente à juger, afin que le peuple ne soit point foulé. Or sus, appelez.

— Carré, avez-vous des causes ? Plaidez.

— Monsieur le lieutenant, j’aurois besoing de plaider pour moy le premier, afin de me faire donner le moyen d’avoir une robbe et un bonnet, car la mienne est toute deschirée d’avoir esté attiré si souvent à la table Roland2 par mes parties, aussi que j’ay perdu la pluspart de ma praticque depuis que


2. Fameux cabaret dont il est parlé avec détail dans le curieux livre : Visions admirables du pèlerin du Parnasse, etc., Paris, 1635, in-12.