Page:Variétés Tome I.djvu/301

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en nos fureurs civiles, et pensoit bien que, pourveu que la guerre peut tousjours escumer ses bouillons, rien ne luy manqueroit, veu mesmes qu’il estoit fort affectionné de feu monsieur le duc de Mercure3 à cause de sa vaillance ; mais quoy ! il y a des revolutions ordinaires au cours des affaires humaines que la providence de l’homme ne peut penetrer, et, lorsqu’il pense tenir le feste de ce qu’il pretendoit, il ne faut qu’un tourbillon de la fortune pour la raser au bas de sa roüe, où elle lui fait sentir les effects d’inconstance.

Ainsi Guillery, se voyant demeuré à sec par le calme de la paix, qui fit incontinent rassoir les vagues de la tourmente, et ses esperances esvanoüies avec les brouillards de la guerre, se laisse gaigner au desespoir, qui luy fait prendre les bois, et, laissant abastardir la vigueur de son courage et rouiller ses conceptions guerrières à faute de moyens et d’exercice où il se peut tenir en haleine, il advance sa main meurtrière sur le passant et ses desirs au pillage ; de ses moyens et d’un genereux Theseus, il se transforme en un Scyni4 monstrueux et ravisseur. Voilà comme les esprits les plus eslevez se laissent quelquefois aller en cendre, et mesme les


3. Le duc de Mercœur, qui commandoit en Bretagne, et le dernier qui tint pour la Ligue. « En ce temps-là, lit-on dans le livret publié par M. Fillon (p. 7), le duc de Mercœur tenoit encore la Bretagne, et avoit amassé autour de lui force gens de toute sorte. Guillery s’alla enrôler sous ses étendards, où il ne fut pas long-temps sans conquérir réputation. »

4. Scinis, le brigand tué par Thésée.