Page:Variétés Tome I.djvu/303

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ble, demandoit au bon-homme qu’il alloit faire à Nantes ; luy respondit qu’il alloit solliciter un procez. Tu as donc bien de l’argent ? luy dit-il. L’autre s’excuse et dit qu’il n’en avoit point, sinon sept ou huict souls pour son disner. Non ay-je point moy, respondit-il ; mais j’espère que Dieu nous en envoyera. Puis, estant passé un peu plus oultre, et luy ayant encore demandé s’il n’avoit point d’argent, et l’autre ayant dit que non : Or bien, dit-il, prions, Dieu nous en envoyra. Et de ceste façon, tirant un petit manuel de sa pochette, il se met à genoux et y fait mettre ce bon-homme avec luy, puis il luy dist : Regarde s’il t’en est point venu. Il met la main en sa pochette et dit que non. Tu ne pries donc point de bon cœur ? dit-il. L’autre s’excuse et dit que si faisoit ; et disant cela il tire cinq sols de sa pochette et le fait encores prier, et la seconde fois en tire dix, puis quinze, et tousjours le bon-homme ne trouvoit rien. Tu ne prie donc pas de bon cœur ? dit-il, car il t’en viendroit aussi bien qu’à moy. Il dit que si, tant qu’il pouvoit. Or, dit-il, alors tu en as donc bien : car moy, qui ne prie guières de bon cœur, s’il m’en est venu, à plus forte raison à toy aussi, et, partant, je le veux voir. Et disant cela il se met à le fouiller, luy trouve quatre cens escuz, en prend la moitié et le renvoye avec le reste, luy disant : Comment ! tu me veux tromper, et ne me rien donner de ce que Dieu t’envoye en ma compagnie, comme si je n’en devois avoir ma part !

Cela sont les moindres choses, et n’est rien au prix des chasteaux forcés, où ils ont miserablement massacrez les pauvres seigneurs, gentilshommes et da-