Page:Variétés Tome I.djvu/47

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misères dans le sacraire de ce temple de justice ?

Quel dessein peut-elle choisir plus convenable à sa condition, que d’eriger un autel en son cœur, où elle admirera tous les jours de sa vie la puissante main de son libérateur, les moyens incogneus aux hommes par lesquels il a brisé les ceps4 de sa captivité, et l’ordre de sa providente dispensation à faire que toutes choses ayent concouru pour sa liberation ?

Ce fut un commencement de bon-heur en ce desastre que, le lendemain de l’execution, la Cour entra dans les feries nouvelles que le Roy avait concedées par lettres expresses peu auparavant entherinées. Ce fut encore quelque chose de plus signalé, qu’alors qu’on recourut à la bonté du Prince pour impetrer des lettres de pardon, luy et sa cour estoient en allegresse et festivité, à cause de l’heureux et tant desiré mariage du roy de la grande Bretagne5 avec madame Henriette Marie, princesse du sang de France. Ce fut bien plus de voir qu’à l’instant que le discours de ceste sanglante catastrophe eut frappé l’oreille de ce sage Orphée, de ce doux ravissant esprit6, qui tient dignement le premier rang en l’eminencede l’ordre de la justice, il ait aussitost empoigné la lyre pour charmer la dureté des Parques, revoquer la juste


4. C’étoit une espèce d’entraves où l’on mettoit les mains et les pieds des criminels.

5. Ce mariage eut lieu le 11 mai 1625. Ainsi, les noces d’un roi qui devoit tomber sous la hache furent signalées par un acte de clémence pour celle qui s’étoit miraculeusement échappée d’un supplice pareil.

6. C’est le chancelier d’Aligre.