Page:Variétés Tome II.djvu/106

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poursuivi, que l’on estimeroit plus tost qu’il eust pris tout autre chemin que celuy de Venise.

On luy demande si sa femme ne sçait pas cet affaire et s’il luy en a pas communiqué ; il respond que ce n’estoit pas affaire à communiquer à une femme, et principalement à la sienne, qui est une femme simple, innocente, et qui, selon la coustume d’Italie, où les femmes mariées sont plus servantes que maistresses, a creu, obeï et suivi son mary en ce qu’il luy a commandé et partout où il a voulu.

La femme, pareillement, est interrogée et confrontée à son mary. À ceste confrontation, Fava, voyant que d’abord la douleur et le ressentiment de son infortune saisissoit tellement sa femme qu’elle pendoit à son col et ne luy pouvoit parler, il luy dit avec intervalle de temps : Femme, femme, femme, où je vivray, ou je mourray. Si je vis, tu possederas tousjours ce que tu aymes ; si je meurs, tu perdras la cause de ton ennuy.

Reprochant un tesmoin, après qu’il eut fait son reproche, il adjousta qu’outre ce qu’il avoit dit, comme medecin et physionomiste28 il recognoissoit à l’inspec-



28. Jusqu’à la fin du XVIIe siècle, en Italie et en France, les médecins croyoient à la mauvaise influence des physionomies. Quand le chirurgien de Louis XIV saignoit Sa Majesté ou quelqu’un de la famille royale, il avoit le droit de faire sortir de la chambre toute personne dont la physionomie lui déplaisoit. « Félix, dit M. Barrière, usa de ce privilége ; mais Dionis, chirurgien de la reine et des enfants de France, se vante de ne l’avoir jamais réclamé. » Mémoires de Brienne, t. 1er, p. 367, éclaircissements.