Page:Variétés Tome II.djvu/214

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feroit mourir ceux qui en approcheroient encore vivans, le degoustèrent, et plus de la moitié de son ardeur s’esteignit par la seule senteur de ceste eau.

Le batelier estoit au milieu de la rivière, qui conduisoit avec grande peine son vaisseau chargé de plus de quinze cens Espagnols de l’armée de Feria, que le froid et le fer a fait passer le Lethé au lieu du Rhin4. Leur orgueil estoit si pesant et leur gravité si orgueilleuse, qu’on eust dit à les voir que le batteau estoit plein d’Hercules ; ils ne respiroient que menaces et bravoient insolemment le nocher, pour le payer à la descente comme ils payoient leurs hostes en ce monde.

Si tost qu’il les eust mis à terre, il revint à l’autre bord, qu’une foule importune de peuple vieil et jeune occupoit. Mauregard se jette des premiers dans le vaisseau, avec bien plus de joye qu’il n’estoit entré aux galères à Marseille5. Il reconneut de dessus la


4. Allusion à la défaite alors récente du duc de Féria près de Bâle. Il couroit sur cette affaire un livret intitulé : La fuite de l’armée espagnolle, conduite par le duc de Féria, près la ville de Basle, le samedy douzième novembre mil six cent trente-trois, aux approches de l’armée du roy, conduite par M. le maréchal de la Force ; avec ce qui s’est passé en icelle et l’état en lequel est maintenant l’armée françoise. S. l. n. d., in-8.

5. M. Bazin a connu cette particularité de la vie persécutée de notre prophète. « Durand, fait-il dire à son cadet de Gascogne, me raconta que, deux ans auparavant (1614), un nommé Noël Morgart, ayant peut-être prévu ce que devoient produire les intrigues de la cour, avoit annoncé le soulèvement prochain de plusieurs princes, et que, pour