Page:Variétés Tome II.djvu/218

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Mercure y arriva trop tard ; la barque estoit à fonds, et ce pauvre vieillard, quoiqu’il sceust bien nager, ne se sauva pas sans boire. Mauregard s’en tira presque à aussi bon marché : il avoit appris à la perfection au port de Marseille ; mais Pierre de Larivey se laissoit emporter au fil de l’eau et avaloit de grandes gorgées de ce breuvage amer et chaud, et Petit, accroché par ceste vefve opiniastre, estoit au fond sans pouvoir s’en depestrer : les femmes ne laschent jamais prise, non plus que ceux qui les gouvernent, et quoyque Mercure, frappant de sa baguette sur la rivière, eust fait revenir le batteau à bord et toutes les ames, ces deux neantmoins, attachées l’une à l’autre, ne paroissoient point, mais faisoient seulement lever sur l’eau de gros bouillons, si bien que Mercure fut contraint de faire le plongeon pour les aller querir et les transporter sur l’autre bord.

Qui a jamais veu une troupe d’Allemands, après avoir vuidé deux ou trois muids, estendus sur le pavé, remesurer par la bouche le breuvage qu’ils avoient pris sans mesure, qu’il s’imagine de voir mille pauvres ames, penchées sur le bord du fleuve d’Enfer, revomir à gros bouillons les flots qu’elles ont avallez, et rejetter la rivière dans la rivière. Heureuses en cela que le malheur leur fist oublier toutes les peines passées et perdre le souvenir de tous les plaisirs qui leur ont esté un remords éternel ! Elles y avoient toutes noyé leurs mauvaises humeurs, et laissé les pacquets qu’ils aymoient si fort.

Mais les trois astrologues ne peurent oublier leur folie, ny laisser leurs astrolabes. La judiciaire est une roüille si fort attachée à l’esprit de ceux qui l’ont