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Page:Variétés Tome II.djvu/281

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mais je sçay bien que vous estes baillans comme l’espée de Rolland, qui, à la journée de Roncevaux, fendit un grand rocher en deux, pensant trouver de l’eau pour appaiser son ardeur, et si mourut de soif le brave cavalier, et fut un très grand dommage. C’est pourquoy j’estime que les Suisses, ayant leu cette deplorable histoire, craignant un semblable malheur, portent en tout temps une bouteille pendüe à la ceinture. Croy-moy, que la petite verge du grand capitaine Moyse fit bien autre effect que ceste espée rollandine : car, au premier coup qu’il en frappa, maistre Guillaume m’a juré, comme present en cette action, qu’il rejalit de la dure pierre une telle abondance d’eau, que tant de milliers de peuples beurent à leur benoist saoul.

Chagrin. Si tu avois l’appetit aussi subtil, Allegret, comme nous avons la main habile (qui est la cause qu’on ne nous donne guères de bources à garder, et que du costé que nous sommes on les change promptement en l’autre), tu ne t’arresterois pas à ces comparaisons d’Onosandre5.

Allegret. Veritablement, Dieu est un bon gouverneur et un grand maistre ! Il peut hausser et abaisser, et faire de nous comme un potier de ses vases de terre, voire plus que cela. C’est luy sans doute qui nous a donné le beau temps dont nous


5. Écrivain grec dont Rigault avoit traduit en latin, et Vigenère en françois, le Traité du devoir et des vertus d’un général d’armée. On trouve dans le Cabinet satyrique une pièce de Bautru intitulée l’Onosandre ou l’Âne-homme.