Page:Variétés Tome II.djvu/42

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caprices de leurs testes, elles me fissent ressembler la jument à Godart, quy ne s’en retournoit jamais sans frotter : car l’on dit qu’il n’y a rien de plus vindicatif que l’esprit d’une femme. Voilà pourquoy je parle ainsy, non par ironie, ains pour me condouloir avec elles sur cette nouvelle disgrâce, n’y ayant homme qui participe plus sensiblement à leurs mesadvantures que moy, qui le tirerois volontiers de mon ventre pour le leur donner. Mais quoy ! c’est entreprendre les travaux d’Hercule de le leur vouloir persuader si leur creance y contrarie. Elles ont l’imagination trop forte, et toute rhetorique semblera tousjours defectueuse en persuasions au prejudice d’icelle. Les Nestors et les Cicerons y perdroient leur latin. Il faut que l’opinion des femmes ait son cours, comme la rivière de Loire ; mais Dieu me garde pourtant de leur haine ! Et toy pauvre farfouilleux, que fay-tu ? Quelle particulière animosité as-tu contre ce sexe ? quy te fait bander les yeux à toutes ces considerations ? Vraiment, je parie ta perte. N’ouis-tu jamais parler de ces femmes de Nevers quy feirent rendre Perpignan8 ? Elles t’attraperont, comme ce meunier quy tournoit cest action en risée. Si tu es-


8. Je n’ai pu retrouver à quel fait ceci se rapporte. Peut-être est-ce une allusion à quelque événement de la capitulation de Perpignan en 1475, après une famine horrible où l’on vit une femme nourrir son second enfant de la chair du premier qui étoit mort de faim (Henry, Hist. du Roussillon, t. 2, p. 134). Je ne vois rien là, toutefois, qui pût se rapporter à des femmes de Nevers et qui pût exciter la risée d’un meunier.