Page:Variétés Tome II.djvu/69

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qu’estoit la cause pourquoy il ne s’estonnoit aucunement par tant de passions et martyres : Les prières des saincts, dit-il, en sont cause. Et comme un des consuls de la ville admiroit ceste constance : La constance, monsieur le consul, dit-il, sera considerable en la mort. Il parloit franchement et fort humainement avec tous, estant hors la question, avec un grand estonnement des ministres executeurs, et induisoit chacun à pleurer. Les uns ne pouvans croire qu’il fust humaine créature, les autres portans quelque envie à sa vertu et constance, comme ne croyant rien de Christ ni de son Evangile, tout ainsi que les juifs, luy demandent depuis quel temps il avoit donné son ame au diable. Respond modestement qu’il ne connoissoit point le diable et qu’il n’avoit jamais eu à faire avec luy ; comme aussi il se defendit honnestement contre ceux qui l’appeloient traistre, paricide et autres semblables injures et reproches, donnant temoignage par plusieurs fois, les yeux baissez, qu’il ne se soucioit point de leurs parolles et calomnies. Il respondoit aux juges avec toute humilité et douceur, mesme, ce qui est dur à croire, les remercia de quoy ils l’avoient sustenté en la prison, et leur promit qu’il en prendroit sa revenche. Eux repliquans : Quelle revenche ? respond : Je vous serviray d’avocat en paradis. Voulans sçavoir de quel paradis il entendoit parler : Je n’en cognois (dit-il) qu’un seul. Ainsi tirassé par plusieurs demandes et tormenté par tant de façons, ne disant rien pourtant qui ne leur fust agréable, le treizième jour du mois susdict fut adverti de sa prochaine mort ; et le lendemain, comme on luy prononçoit