Page:Variétés Tome III.djvu/132

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Non pour ce que les rais qui partent de ses yeux
Rendent plus de clarté que le flambeau des cieux,
Non pour ce que dans l’or de sa perruque blonde
Elle tient enchaisné le cœur de tout le monde,
Non pour ce qu’à Paris elle a tant de renom,
Mais pour ce qu’elle a tant de lettres en son nom,
Et que l’affection que cet amant luy porte
A tant de mouvemens, est si vive et si forte,
Qu’il ne peut faire moins que de boire huit fois
Au nom de cet object qui le tient soubs ses loix.
Pour moy, soit qu’on me blasme, ou bien que l’on me prise,
Je veux changer le nom de Cloris en Clorise,
Ou bien prendre Clorinde ou d’autres mots choisis.
Fais-en, mon cher Aminte, autant de ton Isis :
Cela luy tiendra lieu d’une nouvelle offrande.
Ce nom est trop petit et ta soif est trop grande.
Mais insensiblement je ne m’advise pas
Que la force du vin debilite mes pas :
Je sens mon estomac plus chaud que de coustume ;
Je ne sçay quel brasier dans mes veines s’alume ;
Je commence à doubter de tout ce que je voy ;
La teste me tournoye et tout tourne avec moy ;
Ma raison s’esblouit, ma parolle se trouble ;
Comme un nouveau Penthé je vois un soleil double ;
J’entens dedans la nue un tonnerre esclatant ;
Je regarde le ciel et n’y vois rien pourtant ;
Tout tremble soubs mes pieds ; une sombre poussière
Comme un nuage espais offusque ma lumière,
Et l’ardante fureur m’agite tellement,
Qu’avecque la raison je perds le sentiment.
Evoé ! je fremis ; Evoé ! je frissonne :
Un vent dessus mon chef esbranle ma couronne,