Page:Variétés Tome III.djvu/171

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rien plus, qui briguoient en court pour estre enregistrez pour aller faire la guerre aux Turqs9. Ayans passé tout ce pays du monde, de ce pays-là j’approchois d’une grande ville pour y entrer, pour me reposer et loger ; mais, à l’entrée d’icelle, je rencontray, comme en sentinelle perdue, un grand vieillard, qui s’appeloit O Sapientia, lequel, avec cinq ou six autres grands O, alloient chercher Noël10. Je m’adresse à luy, et luy demande assez doucement : Seigneurs, pourray-je bien loger en vostre cité ? Il me respond : Qui es-tu ? mon ami. — Helas ! Monsieur, luy dis-je, je suis le pauvre Piedaigrette, qui, ayans passé la plus grande part de ma vie au pays de Folie, sur mes vieux jours je desirerois me retirer avec la Sapience. Ha ! maistre Guillaume, si tu sçavois quelle responce il me fist, tu serois estonné. Il commence à me dire : Vas-t’en d’icy, affronteur ! charlatan ! trompeur de marchands ! effronté ! coquilbardier ! mangeur de morue de Flessingue ! Vas-t’en à tous les diables ! vas-t’en d’icy ! Il n’entre en ce pays que gens de biens et d’honneur ! Moy, estonné com-


9. Un grand nombre de François s’étoient enrôlés sous M. de Mercœur pour combattre les Turcs en Hongrie. V. Journal de l’Estoille, 3 mars 1601.

10. Le O Sapientia étoit, avec O Adonaï, O Radix, un des O de Noël, c’est-à-dire l’une des antiennes ou prières ainsi nommées à cause de l’interjection qui en étoit le commencement. — Il y a ici une équivoque évidente sur le nom du marquis d’O, qui, de 1578 à 1594, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, fut surintendant des finances. Il fut fameux par ses exactions. Piedaigrette devoit donc rechercher un enrôlement chez lui.