Page:Variétés Tome III.djvu/214

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phète et seducteur, soustenant qu’il falloit le faire mourir : de façon qu’il y eut grande contension de part et d’autre. Pour laquelle appaiser, à cause qu’il estoit jà tard, le grand seigneur remist la solution de tel affaire au lendemain, et cependant ordonna que tous seroient mis pour la nuit en bonne et seure garde ; ce qui fut fait. L’empereur de Turquie, retiré et couché, sur l’heure de minuict s’esveille et commence à se remettre devant les yeux de l’esprit l’explication de son songe ; et, comme il estoit à y penser soigneusement pour en tirer quelque commodité de vie heureuse, une grande lumière se presenta devant son lict qui remplit toute sa chambre. Lors iceluy, levant les yeux en l’air, entend une voix qui lui dit : Pauvre homme ! à quoy penses-tu ? Pourquoy tardes-tu à prendre ma loy et à rejetter celle en laquelle tu vis diaboliquement ? Sçaches que, si tu ne fais ce que le chrestien t’a dit, ta ruine est proche, et t’aviendra comme il t’a denoncé, car Dieu l’a ainsi arresté et determiné, de laquelle chose je t’advertis pour la dernière fois. Tels propos achevez, la voix se teut, et demeura le grand seigneur en son lict tout perplex et transi jusqu’au jour, qu’il se leva et fist appeller devant luy les plus grans princes et bachats de sa cour, et semblablement le chrestien avec les philosophes et les prestres de la loy de Mahommet, en la presence desquels il declara les propos que la voix luy avoit revelez pour son salut ; à ceste cause, qu’il avoit deliberé de se faire chrestien, et quitter la loi damnable de Mahommet, desirant se gouverner d’ores en avant par le conseil du chrestien son fidelle interprète et expositeur de ces songes et visions noctur-