Page:Variétés Tome III.djvu/231

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en Lorraine, et chastié à Paris devant la Croix du Tirouer2 le 5 decembre 16073.

Il y avoit un capitaine de la citadelle de Mets, homme preux et vaillant de sa personne, qui, durant ces dernières guerres, avoit acquis beaucoup de preuves de sa valeur ; mais plus valeureux eust-il esté cent mille fois s’il eut recongneu et bien entendu que la valeur des valeurs est celle par laquelle nous emportons la victoire sur nous-mesmes et nos affections, et non pas sur les autres et sur les places fortes. Comme aussi vrayement n’y a-il de plus glorieux trophées que ceux que, sans le secours d’autres, nous erigeons nous-mesmes de nous-mesmes, et à la gloire desquels autre ne peut avoir part que nous-mesmes. Ce capitaine, jettant et tournant les yeux (esveillez et hardis) sur les beaux objets et rencontres que la fortune luy presentoit, allant par la rüe, avisa une fille d’âge encore tendre et d’honeste maison, mais de taille relevée, et où la grace et la beauté disputoyent ensemble pour l’honneur et le prix. Aussi ne croi-je que jamais estocade luy porta plus dangereuse playe dans le corps que la grace de


2. La petite place qui se trouvoit à la jonction de la rue Saint-Honoré et de la rue de l’Arbre-Sec, devant la croix dite du trahoir ou du tiroir, par altération, servoit souvent de lieu de supplice ; mais on y pendoit seulement. C’est par exception qu’on y décapitoit, comme en cette circonstance. Ce supplice des condamnés de qualité étoit réservé à la place de Grève.

3. L’Estoille, qui est d’ordinaire si bien au courant de toutes ces exécutions, ne parle pas de celle-ci. Malherbe n’en fait pas non plus mention dans ses lettres à Peiresc.