Page:Variétés Tome III.djvu/275

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et sincerité. Comme donc je fus un peu au delà de la maison qui est sur la rivière (je croy qu’on l’appelle Seurmitaine2), deux hommes me vindrent aborder, l’un desquels commence à me dire : Mousseur, ce pistole n’est y pas bon ? Je regarday la pistole et dis qu’elle estoit bonne. Ce drole me dit : Moy la baille à Mousseur pour mener o logis de moy, Polonnois, et perdu le truchement mien ; moy logé à trois petits bestes blanches. Je croy qu’il vouloit dire : Aux trois pigeons blancs. Son compagnon ne faisoit pas semblant de rien, et monstroit vouloir vistement mener l’estranger en son logis, lorsque ce franc Polonnois me tira à part et me dit en son jargon qu’il me bailleroit une pistole si je le voulois aider à conduire, parce qu’il n’avoit pas beaucoup de fiance à celuy qui le menoit, et qu’il avoit ouy dire que dans Paris il y avoit force charlatans et trompeurs (il le sçavoit bien, car il estoit du nombre) ; qu’il craignoit que celui-cy, au lieu de le bien conduire, ne le menast en quelque lieu pour le devaliser et oster ses pistoles ; et en disant cela tira de ses pochettes ses pleines mains d’or (ce qui m’a consolé lorsque depuis j’y ay pensé, disant que je ne suis pas seul et premier duppé). Ce pauvre estranger me fit quelque pitié, joint aussi qu’il se disoit estre malade, car il en avoit assez la mine, à cause de sa couleur blesme, et qu’un petit garçon l’avoit trompé et emporté un quart d’escu qu’il luy avoit baillé pour se faire conduire à son logis. Moy qui,


2. Samaritaine. L’auteur fait exprès mal prononcer par son provincial ce nom si connu des Parisiens.