Page:Variétés Tome III.djvu/345

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drap de sa boutique. La chambrière, tant pour le plaisir qu’elle attendoit que pour l’esperance du corset, fut contente. Ainsi le marchand, voyant que son entreprise succedoit selon l’intention de son cœur, bruslant d’un costé d’une longue attente, d’autre estant envelopé d’une crainte d’estre decouvert de sa femme, ne peut trouver autre remède en sa lourde teste que de tirer en secret son apprenty, et, se fiant plus en sa sotte jeunesse qu’en son apparente folie, luy dit : Escoute, j’ay une entreprinse necessaire où il me faut aller cette nuict pour le fait de ma marchandise, en laquelle je pourrois avoir grande perte sans ma presence ; mais parce que ta maistresse (craignant qu’il ne survinst quelque ennuyeuse fortune) ne me voudroit donner congé, au moyen de ce qu’elle est jeune, craintive de nuict et ne veut coucher seule, pour ce que je l’ay cogneu fidelle, quasi de son aage, et que tu as bon vouloir de me servir loyallement pour l’honneur de tes parens, me fiant en toy, sans luy rien dire, incontinent qu’elle sera couchée et endormie, je te commande, pour l’asseurer, de te coucher en ma place. Mais donnes-toy garde de parler ou remuer tant soit peu, de peur qu’elle ne te cognoisse : car tu serois à jamais perdu. Ce lourdaut d’apprenty (qui n’avoit accoustumé telle compagnie à son coucher) pleuroit quasi de l’execution d’une telle commission ; mais, pour ce qu’il avoit receu exprès commandement de son père d’obeyr en tout et partout à son maistre, n’osa contredire, de crainte de quelque plainte qu’eust peu faire le sire envers son père : de sorte qu’à l’heure qui luy avoit esté ordonnée, avec une frayeur, tout tremblant se