Page:Variétés Tome III.djvu/59

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ban, un buffet remply de marmousets, une chaise à barbier de Naples68, et pour vaisselle des tranchoirs de bois, des pots de grais, une eclisse à mettre le fourmage sur la table, un bassin à laver de cuivre jaune, et sur le buffet deux chandelles des roys riollées, piollées69, une vierge Marie enchassée et un amusoir à mouche, le maistre père et compagnon avec le paysan de la maison, quy sentoit toujours le bran de vache et la merde de pourceau ; au surplus, ils estoient si pauvres, qu’ils se trouvoient contraincts en hyver de se chauffer à la fumée d’une aiteron pour faute de bois.

Ainsy nos anciens sculpteurs n’avoient aucun plus beau subject pour mettre en figure que ceste perspective champestre, où tout ce que dessus est figuré à la rustique et où nous avons cognoissance de ceste chetiveté.

Ô siècle d’or ! mais à present l’on voit nostre campagne enrichie de superbes edifices, la vue desquels fait abolir la memoire de l’antiquité, et, outre les maisons bourgeoises quy se voient en quantité, basties d’une structure admirable, couvertes d’ardoises, garnies de fontaines et de magnifiques vergers, esloi-


68. Comme celle du barbier de Pezenas, dans laquelle on prétend que s’étoit assis Molière, qui se trouve représentée avec son siége et son haut dossier de bois dans le Magasin pittoresque, t. 1er.

69. Il étoit d’usage de se servir, le jour des Rois, de chandelles bariollées (riolées) ou seulement mi-parties (piolées), comme le plumage d’une pie. « Voilà qui est riolé, piolé, comme la chandelle des Rois », lit-on dans la Comédie des proverbes, acte 2, scène 5.