l’eusse voulu faire, ayant mieux aimé humer le vent et me rassasier de la contemplation de ces maquignonnes de corps humains qui à chasque moment passent devant moy, allans querir de quoy occuper et mettre en besoigne les racommodeurs de bas, qui est aujourd’huy un des meilleurs mestiers qui soit dans Paris4 : car, bien qu’il en soit en grande foison, si est-ce que voullans travailler, ilz trouvent de la besoigne suffisante pour combattre la paresse. Mais, pour continuer mon premier discours et vous narrer les beaux voyages que j’ay faict pendant mon absence de ce lieu, vous serez assurez que, me voyant contre tout droict et equité depossedé de mon siége par l’artifice de la Samaritaine et aultres nos ennemis, et nottamment par les ramasseurs de pièces par les boues, nos adversaires, sur ce qu’ils pretendent que souventes fois, en exerçant vos no-
4. Les filles de joie firent de tout temps leurs caravanes sur le Pont-Neuf. V. le Tracas de Paris de Fr. Colletet. Il avoit hérité pour cela du dicton populaire qui, avant sa construction, avoit cours à propos du Grand-Pont, ou Pont-au-Change. V. Description de la ville de Paris au XVe siècle, par Guillebert de Metz, publiée par M. Le Roux de Lincy, Paris, Aubry, 1856, p. 55. Chamfort raconte une jolie anecdote au sujet de ce dicton, qui veut, comme on sait, que toute personne passant sur le Pont-Neuf y rencontre une de ces dames, un moine et un cheval blanc. Deux femmes de vertu très moyenne le traversoient. Le cheval passe, puis le moine. L’une des deux en fait la remarque. — Mais ce n’est pas assez, dit l’autre. — Oh ! pour le reste, réplique la première, nous savons toutes deux à quoi nous en tenir. Le proverbe étoit deux fois vrai ce jour-là.