Page:Variétés Tome IV.djvu/243

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venu audit pays, lequel jeune homme, par sa bien-vueillance et peine, m’enseigna et feist entrer en mon dur cerveau le langage d’icelluy pays ; ayant laquelle science je fus plus joyeux que ne seroit un riche homme qui, sans y penser, trouveroit une espingle en son chemin : car le roy dudit pays, sur les recits à lui faicts de mes comportemens et beaux exploicts de dents, me voulut avoir pour estre le premier intendant de l’escumerie de ses pots, ayant lequel office je fus chery et honoré de tous ceux de sa cour, et principallement des lacquais et ratisseurs de navets, qui n’osoient tremper leur pain au pot sans ma permission. Mais, comme on dit en commun proverbe, Extrema gaudii luctus occupat, car quelqu’un desdits lacquais, auquel j’avois refusé l’entrée et l’approche du pot, trouva invention de me faire desmettre de ceste charge, sur le rapport qu’il feist au roy que j’estois de mauvaise vie et que j’avois esté banny de mon pays avec privation d’une honorable charge que j’y avois. Ce neantmoings le roy me voulust bailler un autre office, qui estoit d’estre premier vallet de pied d’un des commis du principal tournebroche de sa cuisine, ce que je refusay, obtemperant au desir qui me poignoit de revoir ma patrie, qui ne se peut jamais oublier, ainsi qu’il se peut cognoistre par les deux vers suivans du poëte Ovide :

Nescio qua natale solum dulcedine cunctos
NeDucit et immemores non sinit esse sui.

Ayant donc tel desir, et considerant la dignité que j’obtenois en ce lieu, dont j’avois esté contre toute