Page:Variétés Tome IX.djvu/272

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Le dit Carrefour, comme j’ay dit du commencement, n’ayant aucun lieu asseuré, ains voltigeant tousjours qui cà qui là, comme il estoit dernièrement ès environs de la forest de Fontaine-Bleau, il luy prit envie, en passant, de se rafraichir en une hostelrie fort peu eloignée de la dicte forest, où il vint seul (car il avoit laissé ses compagnons dans le bois). Comme il disnoit, il arriva un gentilhomme de chez le roy, qui revenoit de l’armée avec son homme de chambre et un laquais, qui demanda à se rafraichir. On le met en la mesme chambre que Carrefour. Comme ils estoient tous deux à table, Carrefour va demander audit gentil-homme qui il étoit et d’où il venoit ; l’autre lui respondit simplement qu’il estoit serviteur du roy et qu’il venoit de Beziers, où Sa Majesté estoit, et même il lui raconta tout plain de particuliarités de ce qui se passoit au camp. Cecy fait, le gentilhomme luy demanda reciproquement à qui il estoit et quel exercice il faisoit en ces cartiers. Carfour luy respondil d’un visage effronté que pour son regard il estoit à soy-même, et qu’il ne recoignoissoit autre superieur que soy-même. Le gentilhomme repartit incontinent : « N’êtes- vous pas serviteur du roy ? — Je ne reconnois, dit Carfour, autre maitre que moy-même. » Sur ceste reponse se forma une querelle entre eux ; de sorte qu’ils en vindrent aux mains. L’hoste, qui entendit le bruit, accourut, comme aussi firent les hommes du gentil-homme, qui saisirent Carfour au collet.

En mesme temps, comme ils se debattoient par ensemble, arrivast un honneste homme à cheval, qui, estant entré dans l’hostellerie, commença à