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Page:Variétés Tome IX.djvu/294

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Ces memoires, escripts à la main, estans affichez en plusieurs endroits, firent reveiller les esprits des plus curieux, tant des doctes que des ignorans. Chacun s’estonne de cette invisibilité et de la perfection de parler toutes sortes de langues. Les uns disent que ces gens-là viennent de la part du S. Esprit ; les autres, qu’il faut que ce soit quelques saincts personnages ; et les autres, que ce ne sont que magie et illusions. D’autres admirent davantage la cognoissance des pensées secrettes, veu que cela n’appartient qu’à Dieu seul, et sont incredules à cet esgard. D’autres disent que le diable a cognoissance des choses passées et des presentes ; que s’il a cognoissance des choses presentes, les pensées sont choses presentes, et, partant, le diable en peut cognoistre et en donner la cognoissance à ses suppots.

Sur ces contrarietez et anxietez d’esprit passe un advocat du parlement de Paris, qui s’arreste à la lecture de ces affiches, et d’autant que les sergens l’avoient long-temps gallopé et le gallopoient tous les jours pour le mettre dans le croton, la pensée et la volonté le prennent de s’enroller en cet ordre nouveau, rien qu’au subject de se rendre invisible, afin que quand messieurs les sergents le galloperont ou le tiendront, qu’il devienne invisible devant eux. Incontinant que la pensée fut jointe à la volonté, l’un de noz invisibles parut à cet advocat, luy disant : « Je suis un de ceux que vous cherchez, qui ont cogneu la volonté de vostre pensée ; trouvez-vous, à huict heures du soir, vis-à-vis des