Page:Variétés Tome V.djvu/191

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L’un soufle le feu, et l’autre le ratise :
Voilà le cuisinier qui perd sa chalandise.
Un, certes plus friand qu’une chatte d’hermitte,
Pour gouster au brouet descouvre la marmitte.
Disant : Mets, compagnon, ces viandes à la broche,
Car voicy du souper l’heure qui est fort proche ;
Mets ce cochon de laict, ce canar et cest oye ;
Retiens pour fricasser les polmons et le foye ;
Embroche ce chapon et ces deux lapereaux,

Et ces deux espaules de petits chevreaux.

Sur l’heure du souper, viennent les tainturiers ;
Un peu après aussi vindrent les cousturiers,
Lesquelz, tout aussi tost qu’on a la porte ouverte,
Vont saluer le marchand la teste decouverte.

Le soupé preparé : Prenez place à la table,
Ce dict-il aux tailleux d’une voix delectable.
Il fit après assoir ces maistres teinturiers,
Qui vis à-vis s’assirent des maistres couturiers.
En après fit assoir ces maistres friponniers
Qui, n’estant que frippiers, faisoient les cuisiniers,
Les quelz, en murmurant contre les deux tailleurs,
Qui leur sont preferez en de si grands honneurs,
Sortiroient volontiers s’ilz n’etoient retenuz
De la honte et la gueule, des quelz ils sont pourveuz.

C’estoit presque soupé quand voylà la Discorde,
Qui, embrasant son feu, les met tous en desordre
Par le moyen d’un poux, qui, cherchant son repas,
De l’un de ces fripiers couroit dessus le bras,
Qu’il avoit attiré en refaisant les plis
De quelques vieux habits, qui en estoient remplis.
Un tailleur, le monstrant, dict tout bas au fripier :
Monsieur, ne vous faschez : c’est le faict du mestier.