Page:Variétés Tome V.djvu/196

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Estoyent à preferer à tous les cordonniers,
Il seroit très juste et plus que raisonnable

Que vous fussiez aussi plus que nous honorables.

Le tailleur faisant fin, le marchand commença,
Et dict ouvertement ce qui luy en sembla :

Vous, messieurs les fripiers, n’ayez à contre-cœur
Si les tailleurs vous passent en vertu et honneur ;
Confessez librement leur estre redevables,
Car peut-estre sans eux vous seriez miserables.

Iceux sans dire à Dieu se retirent chez soy,
Ce qui les aultres mit en un très grand esmoy.

Le tailleur, qui n’avoit rien dit de son costé,
A de telles paroles le marchand accosté :

Monsieur, je suis mary que pour rejouyssance
Vous n’avez eu icy que plaintes et mesdisence.
Si de ces deux fripiers vous sçavez l’arrogance,
Sans doubte vous mettez sur eux toute l’offense.
Ils desirent sur tous emporter le dessus,
Enfin estre honorez tout ainsi qu’un Phœbus ;
Et, encore qu’ils soyent à chacun dommageables,
Ils se disoyent pourtant estre à tous profitables.
Mais sus ! Je finiray en vous disant à Dieu,
Tout praist à vous servir en toute place et lieu,
En vous remerciant d’un si bon traictement
Et pour avoir porté un si beau jugement.

Tout droit à leur logis s’en vont les cousturiers.
Aussi après l’adieu s’en vont les teinturiers,
Qui n’osèrent parler, de peur de plus grand noise
Et de peur de jetter du bois à la fournaise.

La femme du marchand, qui bouilloit de cholère,
Luy demande soudain qui l’a meu à ce faire,
D’abaisser ses parents du costé maternel