Page:Variétés Tome V.djvu/261

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devant pour aller vers la barque, au lieu d’y aller, cuida y estre furtivement porté ; car Visquée, prenant un licol qu’il tenoit dans ses chausses, agencé pour ce faire en las courant, le suivant pas à pas, luy jette à l’improviste par derrière au col, et, puissant et robuste paillard qu’il estoit, l’emporte par dessus l’epaule, dos contre dos, la corde au col, comme s’il fust pendu, tirant vers sa barque, pour le cuider là voler et despescher, comme il avoit fait les autres. Le gentilhomme, se voyant prins et ne pouvant crier à voie desploiée, faisoit tel bruit se debattant qu’à merveilles ; mais il ne luy pouvoit eschapper si n’eust esté que, par la grâce de Dieu, lequel (jaçoit que quelquefois les malfaiteurs semblent prosperer en leur malice) ne laisse en fin nuls malfaiteurs impuniz, le susdit Marscot, qui, estant accoupy pour faire ses affaires et oyant la meslée, y accourrut, et voyant ce pendart grand de sept ou huict pieds tenir un homme pendu sur ses espaules comme s’il fut esté un gibet, à qui il constraignoit, comme s’il fust esté au supplice, de rendre l’esprit, s’il n’eust eu aide et secours, s’approchant tira une dague qu’il portoit, et, poussé d’un vray zèle vers son prochain, auquel il voyoit faire chose qu’il n’eust voulu qu’on luy fist, s’escria : Ha ! grand vilain larron et meurtrier, lasche la prinse, autrement je te la ferai bien lascher. Visquée, craignant d’estre decouvert, lasche le patient, jà presque estranglé, pour luy courir sus comme un lion, pensant l’accabler du premier coup, car il croyoit que, puisqu’il n’y avoit bastellier qui ne le redoutast et qui ousast approcher tant soit peu de ce lieu, qu’il