Sans honte, sans pudeur, en habit somptueux,
Ose ainsi demander pour les pauvres honteux !
Seule au dessus de tous, comme sur un theâtre,
Souvent d’un peuple saint fait un peuple idolâtre4,
S’adresse aux plus galands, qui donnent tour à tour
Une pièce d’argent comme un gage d’amour5.
Que plutôt sans secours mille pauvres languissent,
S’il faut pour les aider que tant d’ames perissent !
On compte avec plaisir l’argent qu’on a touché,
Sans voir qu’un tel argent est le prix du peché.
Ô funeste secours ! ô moyen diabolique !
N’est-il pour assister que cette voie inique ?
Non, non ; la charité s’y prendroit autrement,
Et n’iroit point ainsi paroitre effrontement
Renoncer dans l’Eglise à l’etat de chretienne,
Portant l’air et l’habit d’une comedienne ;
Son front seroit orné d’une honnête pudeur,
L’humilité feroit sa gloire et sa grandeur,
De simples vêtemens son luxe et sa parure.
4. Mademoiselle de Bourdeille quêtoit à Saint-Gervais le jour de la fête patronnale. Le comte de Boursac, son parent, quand elle lui tendit la bourse, y mit ce billet au lieu d’argent :
Quand dans la nef et dans le chœur
Bourdeille eut fait la quête,
Que du troupeau, que du pasteur
Elle eut fait la conquête,
L’Amour, qui la suivoit de près,
Tant elle était jolie,
N’eût pas fait grâce à saint Gervais
S’il eût été en vie.
5. Le P. Sanlecque, dans sa Satire à une mère coquette, a dit :
Que ta fille jamais n’aille dans le saint lieu
Quester des cœurs pour elle et des deniers pour Dieu.