Page:Variétés Tome V.djvu/42

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subjects d’Eole se mutinèrent contre luy et le vinrent troubler dans son royaume au plus fort de sa tranquillité : Quos ego1 ! Si je vous prends, canailles que vous estes ! si je vous mets la main sur le collet, sentine de la republique, reste de gibet ! je vous feray pendre tous quatre par les pieds comme gens sans merite et indignes d’estre attachés par vos cols infâmes. Les deux cordonniers, qui n’osoient presque lever les yeux, par la crainte qu’ils avoient d’estre battus pour la seconde fois, ne l’eurent pas sitost aperceu qu’ils luy demandèrent ; et celuy quy avoit la langue la mieux pendue, s’inclinant devant luy avec la submission et humilité requise, luy cracha ce beau compliment à sa barbe venerable :

Je confesse, Monseigneur, que nous sommes autant coupables que personnes du monde et tout à fait indignes de paroistre en vostre royale presence ; mais la confiance que tout le monde a en vostre bonté et l’asseurance que nous avons de vostre équité et justice admirable, sur le rapport fidèle quy nous a esté fait par le courtois et très subtil Trajano Boccalini, qui a eu autrefois l’honneur d’appeler devant vostre tribunal des causes de moindre importance que la nôtre ; cela, dis-je, nous a fait prendre la hardiesse de nous venir jeter à vos pieds et vous demander très humblement justice de ces deux pen-


1. C’est l’explication si plaisante dans le Virgile travesti de Scarron :

Par la mort !… il n’acheva pas,
Car il avoit l’ame trop bonne.

Cette traduction burlesque auroit ici convenu mieux que le texte même à mons Phœbus, cousin de Neptume.