Page:Variétés Tome V.djvu/51

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maine, le rebut et l’egoust de toute la monarchie françoise. Jusques là j’avois fait paroistre autant de patience que Job ; mais, si tost que je l’aperceu lever la main pour me couvrir la joue et que je me sentis la moustache frisée par l’approche et attouchement d’une assiette qu’il me feit effrontement voler à la figure, ce fut alors que mon insigne patience sortit hors des gonds, et la cholère se rendit avec tant de vitesse maistresse absolue de toutes les facultés et puissances de mon ame que je ne peu m’empescher de luy donner un cataplasme de Venise, et vous puis asseurer avec verité que, si ce n’eust esté le respect que j’avois de fascher nostre hoste et de causer quelque desordre dans son logis, je luy eusse graissé les epaules aux despens d’une satile, comme son indiscretion le meritoit.

Mais dictes-moy, de grace, erudissime seigneur, à quoy pensez-vous parler quand vous parlez à ces deux perfides que voicy presents ? Quelles gens croyez-vous que ce soient ? Je vous apprends que ce sont deux meschans feseurs de bottes et de souliers, que le vulgaire appelle ineptement et sans fondement aucun de raison cordonniers. Pourquoy ? Cordonniers, d’où est derivé ce mot ? Est-ce peut-estre par ce que ils font des cordons de chapeaux et qu’ils fournissent des cordes10 à maistre Jean Guillaume lorsqu’il luy convient d’en employer pour les opera-


10. Cette burlesque étymologie rappelle celle que Balzac, peu plaisant d’ordinaire, inventa un jour, selon le Menagiana. Il disoit que les cordonniers s’appellent ainsi parcequ’ils donnent des cors !