Page:Variétés Tome VI.djvu/61

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cessoit de chanter à mesure que les beaux escus-sol14 commançoient de ne l’animer plus de leurs divins rayons, et que je tournay mon soing à la solicitation des affaires de mon ventre, qui s’en alloit desesperé. Ma bource, comme dict est, estoit espuisée jusques au dernier rouge double. La necessité me suggera une invention qui fust telle : si mon hotesse estoit rioteuse15 et mal gratieuse en mon endroit, à cause de ses vieux ans, j’avois un grand support et confidence en la chambrière. Cela ne me servist pas de peu, car, dès le jour que mon argent feust à la lie, je feis marché avec un honneste marchant, recelateur des


14. L’auteur croit ici ce qu’on croyoit de son temps, que le nom d’écu-sol venoit non pas a solido, mais a sole, et que cette monnoie étoit la même que les anciens écus au soleil de Louis XI et de Charles VIII : c’est une erreur. L’écu-sol est le sol d’or, et on l’appeloit ainsi à cause du peu de différence qu’il y avoit comme poids et comme valeur entre lui et les premiers écus d’or. Toutes les constitutions de rente, au XVIe siècle, se faisoient encore en écus sols d’or. Ils devoient peser deux deniers quinze grains. V. le Tite-Live de Vigenère, t. 1, p. 1501.

15. Pointilleuse, querelleuse. Le mot riotte s’employoit encore couramment au lieu de disputes, débats, en plein XVIIe siècle. « Il est vrai, écrit Mme de Sévigné à Bussy le 21 avril 1670, qu’il est surprenant de voir qu’ayant de l’agrément l’un pour l’autre et un bon fonds, il arrive de temps en temps des riottes entre nous deux. » Saint-Simon, dans ses notes sur le Journal de Dangeau, écrit aussi (29 août 1717) : « Les riottes, les petites intrigues, les déplorables galanteries, pour en parler modestement, de cette cour de Mme la duchesse de Berry, n’ont que trop fait de bruit dans le monde, tant que Dieu l’y a laissée. »