Page:Variétés Tome VI.djvu/7

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de biens et de personnes qui naviguent sur la dite rivière.

Ces deux eaux, mutuellement assistées et jointes, ont tellement bondy furieusement, qu’en moins de quatre heures, comme dit est, leur estendue a esté en d’aucuns endroits d’une lieue et demie et plus, où elles ont perdu et noyé nombre de villages et maisons de noblesse, ce qui n’a esté sans la perte d’un grand nombre de personnes, chose desplorable à raconter.

À plusieurs les effects miraculeux de la bonté de Dieu ont esté manifestez en ces effroyables perils ; j’en specifieray quelques uns des plus admirables (et tous veritables) pour donner quelque chose aux curieux.

Entre autres, en un hameau (demie lieue de la rivière d’Alliers3), paroisse de Sainct-George, un pauvre père de famille avoit sept enfans, lequel, bien empesché à se resoudre en tel danger, pensoit au salut de ses biens ; mais, comme le torrent multiplioit sur luy, laissant ce soucy pour pourvoir au salut de sa famille, abandonna ses biens à la mercy


3. Les inondations de l’Allier ont toujours été plus fréquentes encore que celles de la Loire, mais aussi moins désastreuses, par la raison que les eaux de l’Allier ne charrient pas du sable comme la Loire, mais une terre légère, qui, bien loin de stériliser le sol, s’y attache, dit Expilly, et l’engraisse. C’est ce qu’on appelle chambonnage dans le pays. La Loire, dans ses débordements simples, porte aussi avec elle cette vase fécondante qu’on nomme lage ou laye dans l’Orléanois. « En 1588, dit Lemaire, Loire deborda, dont les vins furent nommés layeux à la vendange. »