Page:Variétés Tome VII.djvu/103

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decredita enfin de telle sorte qu’on luy a souvent entendu dire que, bien que Paris soit très grand, il estoit pourtant fort petit pour luy, n’y ayant plus que trois ou quatre rues par où il osast passer.

Il tascha neantmoins de remedier à cette horrible pauvreté par d’assez plaisans trafics. Un jour, n’ayant point de quoy manger, il alla sur le Pont-Neuf à un charlatan, avec qui il fit marché pour dix sols de se laisser arracher deux dents18 et de protester tout haut aux assistans qu’il n’avoit senty aucun mal. L’heure dont ils avoient convenu ensemble estant donc venue, Sibus ne manqua pas, ainsi qu’ils avoient arresté, de venir trouver son homme, qu’il rencontra au bout du Pont-Neuf qui regarde la rue Dauphine, divertissant les laquais et les badauts par ses huées, ses tours de passe-passe et ses grimaces ; il tenoit un verre plein d’eau d’une main, et de l’autre un papier qui avoit la vertu de teindre l’eau en rouge. « Horçà, Cormier19, ce disoit ce char-


18. Nous avons vu Turlupin le souffreteux presque réduit à la même extrémité (V. t. 6, p. 62).

19. Cormier étoit l’un des fameux opérateurs du Pont-Neuf, l’une des célébrités populaires du Paris de la Fronde, époque badaude s’il en fut. Il est parlé de lui dans l’Agréable récit des barricades, dans le Ministre d’État flambé (1649, in-4), où il est mis au nombre des gens que les événements avoient ruinés :

Sur le Pont-Neuf, Cormier en vain
Plaint sa gibecière engagée.

Une autre mazarinade de la même année le met en scène : Les entretiens du sieur Cormier avec le sieur La Fleur, dit le Poitevin, sur les affaires du temps. Enfin, tout me porte à croire