que, pour ce qui est de vostre histoire du poëte, vous ne la trouveriez pas moins belle si je vous l’avois commée, et si, au lieu du train suivy et continu dont vous me l’avez rapportée, je vous disois à bastons rompus :
« Comme Sybus apprit à faire des vers à force de lire les ouvrages de nos poëtes françois, qu’il rapportoit tous les jours du marché avec le beurre et le fromage qu’il achetoit pour le disner de son maistre ;
« Comme, afin de devenir poëte de cour, il quitta l’Université pour le faux-bourg Saint-Germain ;
« Comme, au lieu de plume, il ecrivoit avec l’un de ses ongles, qu’il avoit laissé croistre à ce dessein ;
« Comme, n’ayant pas le moyen d’acheter de la chandelle, il fit un trou à la cloison de sa chambre, qui repondoit dans celle d’une blanchisseuse ;
« Comme les libraires du Palais le firent mettre en prison pour leur avoir vendu à cinq ou six un mesme ouvrage sous differens titres, qu’il dedia aussi à differentes personnes, pour y gagner davantage ;
« Comme il ne se chauffoit qu’à un tas de fumier, s’imaginant que, comme la fumée des viandes repaist et engraisse les cuisinières, celle de ce fumier pourroit bien aussi rassasier sa faim ; et comme, à force de se promener sur ce fumier, il luy survint un grand malheur, qui fut qu’une paire de bouts qui avoit coustume de luy servir plus de quinze jours ne luy en duroit plus que douze. »
Sylon n’eust pas manqué d’achever de reduire en commes l’histoire du poëte, ainsi qu’il l’avoit commencée, si son amy ne l’eust encore interrompu en